ven 29 mars 2024 - 00:03

Avoir 20 ans en 2020

Qui a dit qu’il était difficile d’avoir 20 ans en 2020 ? Le même qui estime qu’il n’y a pas à avoir une politique pour la jeunesse. Bon, encore de la politique de haut vol, le fameux « en même temps » auquel mon malheureux esprit bassement cartésien ne peut accéder… Mais en recoupant cet interview et ce discours, je m’inquiète. Je m’inquiète d’autant plus que, par mon métier, je suis amené à encadrer des jeunes en formation. Et ce que je vois ne me plaît pas du tout.

Déjà, l’année désastreuse (certes moins que l’an 536 après JC, qui a vu un hiver volcanique, la famine qui s’en est suivie et une épidémie de peste) que nous avons traversée et celle qui se profile sont des années d’études perdues pour les jeunes qui ont encore le courage d’en faire, des études. Des années pendant lesquelles ils ont besoin de se rencontrer, de se connaître pour évoluer. Et c’est durant ces années d’études que les réseaux se créent. Sans réseau, on peut être l’ingénieur ou le docteur le plus compétent du monde, on n’est pas forcément sûr de trouver une place… Les jeunes en formation via les outils modernes (les machins institutionnels qui marchent tellement bien que les enseignants sont obligés de se tourner vers des logiciels clients de jeux vidéo, plus fiables) sont donc condamnés à l’isolement, ou pire, à se retrouver isolés, et terriblement seuls, dans un monde qui leur fait comprendre qu’il n’y a pas de place pour eux. Du fait des mesures gouvernementales, les boulots d’ordinaire dévolus aux étudiants n’existent pour ainsi dire plus. Les jeunes non boursiers n’ont donc plus que le soutien de leur famille, qui n’a pas toujours la possibilité d’être solidaire. Et bien évidemment, aucune possibilité d’assurance chômage ni de RSA. Les bénévoles des Restos du Coeur et d’autres organisations caritatives ont ainsi vu déferler des jeunes parmi leurs bénéficiaires.

Et tout ça pour quoi ? Pour protéger nos aînés et nos plus anciens des conséquences du coronavirus. Bon, les aînés ont le bon goût de voter pour le parti au pouvoir, pas forcément les jeunes. D’où un sens politique des priorités. Bon, si je voulais pousser le cynisme néolibéral ou anglo-saxon jusqu’au bout, je m’interrogerai sur la pertinence de protéger les plus anciens au détriment des plus jeunes, alors que lesdits anciens sont les bénéficiaires des « charges sociales » (quand ils ne la sont pas eux-mêmes) mais qui ne produisent plus rien, et qui sont donc des « assistés ». En formulant de manière encore plus outrancière et plus provocatrice, pourquoi avoir détruit la structure de la société en sauvant des vieillards déjà relégués dans des mouroirs sordides au détriment de la jeunesse qui a un avenir à construire (et dont ledit avenir est déjà bien abîmé par des décennies de politiques désastreuses) ?

En fait, l’amélioration des conditions de vie permet de maintenir en vie une population jusqu’à un âge avancé (pas forcément en bonne santé, mais c’est une autre histoire). Le problème qui se pose est donc la cohabitation de quatre générations d’une même famille. Est-ce un bien ou un mal ? Du point de vue éthique, tout dépend de la famille. Mais du point de vue économique, les professionnels voient cette cohabitation comme un désastre. Le patrimoine reste aux mains des générations les plus anciennes (qui le gardent jalousement), privant les plus jeunes de la jouissance dudit patrimoine et donc de la transmission des biens (modulo les frais de succession… Tout le monde n’est pas Largo Winch). Attention, n’en déduisez pas que j’appelle à l’euthanasie de mamie, les effets de la politique sanitaire s’en chargeront.

Les plus jeunes n’ont donc pas de patrimoine, donc aucune garantie à montrer aux banques, quand leurs ancêtres en ont plus que nécessaire. Dans un registre similaire, on trouve encore des boomers en activité, et des employeurs refusant d’embaucher des jeunes sous prétexte qu’ils n’auraient pas les moyens de financer un système de compagnonnage. En attendant, un jeune qui ne travaille pas ne cotise pas, et ne peut donc pas payer la pension du vieux qui va à la retraite et qui a refusé de l’embaucher. Bravo la gestion, c’est bien la peine de réclamer des aides d’État ou d’imposer une réforme des retraites sans aucun sens!

En attendant, une génération a tout, une autre n’a pas grand-chose, rompant ainsi le contrat social occidental. La jeune génération se retrouve grevée par le comportement des anciens et devra payer le prix de leur inconséquence et de leur imprévoyance. Mais elle a bien compris qu’elle ne devrait compter que sur elle-même, pas sur les anciens. Et c’est peut-être ça qui m’attriste le plus, ce délitement de la solidarité qui devrait exister entre générations. Même le lien physique le plus élémentaire est détruit par les règles technocratiques de distanciation sanitaire. Or, l’humain a besoin de contacts pour vivre. Il a besoin de voir des visages, des émotions, de sentir le corps de l’Autre. En ce sens, les mesures sanitaires sont, à moyen terme, dangereuses pour les équilibres psychiques.

Et la Franc-maçonnerie dans tout ça, me direz-vous. Nous sommes mourants pour les mêmes raisons que j’ai énoncées ci-avant. Les plus anciens sont épuisés, et n’ont plus envie de venir, ou encore, ont peur de contracter le virus. D’autres ont réalisé que le Travail en Loge ne leur manquait pas. D’autres encore se meurent de tristesse et d’ennui. Malgré les outils de communication dont nous disposons, nous tendons à être de plus en plus isolés. Il est en effet difficile de maintenir un lien quand on se dit que l’Autre est forcément un danger. Certains me rétorqueront qu’il faudrait recruter des jeunes. En effet. Sauf que parmi nous, des anciens n’ont pas forcément envie d’accueillir des jeunes, ou alors, sous condition d’excellence. Par ailleurs, et c’est mon expérience personnelle, la Franc-maçonnerie ne fait plus rêver la jeunesse, loin de là, malgré le travail de plusieurs obédiences. L’avenir de la jeunesse est peut-être compromis, mais une franc-maçonnerie sans jeunesse est irrémédiablement condamnée. Après, faut-il faire de la retape à la sortie des facultés, écoles et lycées ? Je ne le crois pas. Monter des capsules vidéo sur les réseaux sociaux ? Peut-être. D’ailleurs, s’il en existe, j’aimerais bien en avoir les liens pour les regarder. Dans le fond, ce qui nous manque, c’est de nous adresser aux jeunes et d’être en mesure de leur transmettre nos valeurs sans passer pour de vieux barbons moralisateurs. Mais pour ce faire, nous avons besoin de nous montrer, et surtout de nous montrer cohérents avec ce que nous voulons transmettre. Et honnêtes aussi. Avec nous-mêmes, comme nous incitent à le faire nos Rites, mais aussi avec les autres.

La société de consommation ne fait plus rêver. La mondialisation a montré ses limites, le matérialisme aussi. La jeunesse en paie le prix, voyant son avenir et ses aspirations réduits à peu de choses. Si le monde n’a plus que de la survie à leur offrir, peut-être que l’Initiation peut leur offrir autre chose, une vie certes plus frugale matériellement, mais qui vaille la peine d’être humainement et dignement vécue. Une vie dans laquelle les jeunes pourront être accueillis en humains, et non en charges ou en adversaires.

Sur ce, bonne année quand même…

J’ai dit.

4 Commentaires

  1. C’est horrible ! Incroyable de lire tant de poncifs réactionnaires et fascisants de la part de quelqu’un qui se dit franc-maçon ! Tristesse et désolation !

  2. Bonjour MTCF Josselin, je te prie de m’excuser pour des propos sûrement exessifs mais faut dire que tu as fait fort : ecrire “Et tout ça pour quoi ? Pour protéger nos aînés et nos plus anciens des conséquences du coronavirus. Bon, les aînés ont le bon goût de voter pour le parti au pouvoir, pas forcément les jeunes. D’où un sens politique des priorités. Bon, si je voulais pousser le cynisme néolibéral ou anglo-saxon jusqu’au bout, je m’interrogerai sur la pertinence de protéger les plus anciens au détriment des plus jeunes, alors que lesdits anciens sont les bénéficiaires des « charges sociales » (quand ils ne la sont pas eux-mêmes) mais qui ne produisent plus rien, et qui sont donc des « assistés ». En formulant de manière encore plus outrancière et plus provocatrice, pourquoi avoir détruit la structure de la société en sauvant des vieillards déjà relégués dans des mouroirs sordides au détriment de la jeunesse qui a un avenir à construire (et dont ledit avenir est déjà bien abîmé par des décennies de politiques désastreuses) ?” sans parler du reste, c’et quand même horrible ! L’humanité ne se sectorise pas en fonction de l’âge ! Les épreuves sont communes et seule la solidarité peut essayer de panser les plaies ! Et tu oublies les épisodes de guerre où les jeunes étaient sacrifiés à plusieurs titres : que dirais-tu si tu avais écrit en 1942 ? aurais tu été pétainiste pour sauvegarder la jeunesse ?

    • Mon TCF:. Alain,
      Félicitations, tu as gagné un point Godwin!
      Plus sérieusement, que penserais-tu d’une Loge où on sacrifie (ou à défaut, on laisse végéter) les Apprentis et les Compagnons pour le simple bénéfice des Maîtres? Dans une telle Loge (qui aurait donc oublié la transmission), les Apprentis et les Compagnons, au mieux, déserteraient ou, au pire, prendraient le pouvoir par la force pour mettre les maîtres dehors.
      Dans le monde profane, c’est pareil. Sous couvert de protéger les aînés, on a sacrifié la jeunesse, et donc, l’avenir de la société entière. La solidarité entre générations risque de disparaître au profit d’une solidarité entre mêmes: entre jeunes, entre vieux, pauvres, etc. faisant éclater le noyau même de la société. Des milliers de jeunes vont rater leurs études ou leur insertion professionnelle dans un monde toujours plus concurrentiel. Est-ce juste? Non. Mais rien ne sera fait pour réparer cette injustice.

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).
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