ven 26 avril 2024 - 13:04

 Jacques Fontaine ose descendre aux racines naturelles de l’homo sapiens. Il découvre une autre manière de vivre ensemble. AU CHEVET D’UN MONDE FIÉVREUX Des marionnettes rebelles ? 11

L’anarchie,
Un libertaire
11

Un crochet historique, avant le retour chez nous, à notre époque. Le jaïnisme, religion de l‘Inde prône le respect intégral de la vie sous toutes ses formes. Cette biophilie avant la lettre se dénomme « maitri ». En outre les moines jaïns vivent nus, sont végétariens, au point de faire attention à ne pas troubler les vers de terre quand ils déracinent une plante. Ils pratiquent la non-violence, le pardon et l’égalité, depuis le XXe siècle avant JC. Des motifs d’espérer pour cet humain fiévreux  de notre époque ?
Et puis les 500 écovillages dans le monde dont Findhorn en Écosse (1962), de type New Age anarchiste et écolo. Longo Maï en Provence, coopérative autogérée de 1972, toujours très vivante. Elle relie des coopératives de plusieurs pays. Encore plus proche, la toute jeune et belle d’espoir, la commune de Saillans, village de 1300 habitants dans la Drôme. Comme le dit la journaliste qui relate cette expérience… Non, le mot n’est plus le meilleur : plutôt… cette victoire sur le modèle vertical du « premier de cordée » : « Il faut apprendre à se parler et travailler ensemble, tenter de repérer nos vieux réflexes et nos constructions profondes ». Mentionnons aussi les AMAP, les Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne. Elles mêlent, en harmonie, plusieurs aspects de l’écologie, les soins portés à la terre, le respect des espèces entre elles, la production d’une nourriture saine, la valorisation d’une néo-paysannerie… Il ne s’agit plus d’exploiter la terre, comme on dit couramment, mais d’en être le partenaire.
Terminons ces rappels avec les florissantes « communautés intentionnelles », 1200 recensées à ce jour. Chez elles, plus de croissance, ni de consommation. Une étude de 2008 montre que les communautés intentionnelles étaient nettement plus satisfaisantes en qualité de vie, que d’autres groupes étudiés dans cette recherche. Les chercheurs concluent : « Une communauté semble offrir une vie plus en accord avec l’être humain que la société majoritaire… Premièrement, le lien social ; deuxièmement le sentiment de trouver un sens et, troisièmement, la proximité avec la nature ». Cela implique des modes de vie pacifiques et coopératifs, dans l’espoir d’éradiquer la guerre. Ces héritiers des communautés hippies, préfigurent, selon moi, l’avenir de nos sociétés.

Constatation essentielle : Esalen, Findhorn, Longo Maï, les écovillages, les communautés intentionnelles… Saillans prônent et vivent la sensibilité écologique. L’anarchie qui se profile sous nos yeux unit donc la latéralité dans la meute avec la biophilie. F Lenoir, encore lui, assène : « Finis les fossés mentaux, autrefois si profonds, séparant les animaux des humains, les humains de la nature, la vie de la non-vie, voici venue l’idée du grand continuum ». L’anarchiste, aujourd’hui aime les rousserolles effarvattes et les vers de terre, comme les bouleaux et les ruisseaux., les silex et les collines.

Ces mouvements, la prise de conscience trop tardive des désastres commis par l’humain, éveillent depuis le milieu du siècle dernier un retour à la nature. En déploiement dans plusieurs pans de notre existence : recours à des matériaux naturels recyclés, abolition de l’horreur plastique, expulsion des nourritures bio, rejet progressif de la voiture, médecines nouvelles…en sourdine la question angoissante du nucléaire civil et militaire. Comme celle de ces pays qui se moquent, avec un dédain caustique, de l’effondrement qui gronde. En revanche, le naturisme moderne conjugue en grande harmonie saluable, le nudisme, le végétarisme et une éthique fondée sur les respect de soi, des autres, de la nature ; comme sur une égalité complète : des corps nus ne sont-ils pas égaux ?
Dans l’orbite écologique, la gestion des déchets, un énorme problème, devient une seconde nature, en suite des tris de notre époque : « Le schéma alternatif considère les déchets comme des nourritures constituant de nouveaux points de départ. …C’est une façon nouvelle et active de mettre en acte la continuité réaffirmée de l’humain et de la nature. En s’insérant dans les cycles naturels » résume J Rifkin.
Ces réseaux, ces communautés, ces écovillages, ces villes autogestionnaires ont découvert leur très forte confluence avec l’écologie radicale, la biophilie, dont elles étaient déjà porteuse, sans démonstration sémantique. Porter un regard éthologique sur la meute humaine, comme d’un fait de nature, sans appel nous amène à découvrir que toutes ces microsociétés chantent, encore en sourdine, l’avènement du lien de cause à effet entre l’éthologie humaine et l’anarchie. Avec le sens grossier des formules : « Un biophile est nécessairement un anarchiste ». D’où l’appellation d’« Anarchie verte » ; Sauf, et je suis sourcilleux, que le terme « verte » devrait précéder le système qui en découle. La « Verte anarchie serait plus conforme mais sonne encore bizarrement aux oreilles.
Soyons prudents néanmoins dans le désir de sociétés libertaires. Les anarchistes, en effet, malgré leur bonne volonté, restent, pour la plupart des anthropocentristes affirmés : Ils s’imaginent volontiers que l’humain est un être douée de conscience et de raison. Voltaire affirmait déjà : « l’homme est un animal pas comme les autres ». La moindre réflexion éthologique nous rappelle que rien, en effet, n’est plus inexact que cette réduction à ces deux facteurs valorisants. La moindre réflexion éthologique nous rappelle que rien n’est plus inexact, si nous le réduisons à ces deux facteurs. Car ils ne sont que le fruit social apparent et rassurant des racines inconscientes : pulsions, besoins, désirs au niveau de l’individu ; instinct grégaire sur lequel repose tout notre édifice psychique. Il suffit de se reporter aux déclarations de diverses branches de l’anarchie pour se rendre compte des glissements, des patinages, et la répétition des clichés, sans qu’il soit, ou très rarement, fait allusion à l’instinct grégaire, à l’esprit de meute, notre socle pourtant. Par exemple, l’anarcho-pacifisme gomme le désir de pouvoir, l’agressivité meurtrière inhérente aux mâles humains, qu’ils soient patrons, salariés, syndicalistes ou anarchistes. Autre exemple, l’anarchisme individualiste, centré -le terme l’indique- sur l’épanouissement en liberté, de l’individu avec la mainmise, sur lui, du corps social. C’est aller trop vite en besogne et être aveugle sur le fonctionnement des meutes : d’abord des groupes de survie, d’autodéfense en surplomb des individus. L’anarchisme, tout entier, est lui aussi, complètement anthropocentriste sauf l’écolo-anarchie que j’aborde ci-après.

Beaucoup de nos clichés culturels périmés devraient et vont voler en éclat. Au premier chef, les statut et rôles des femmes dans le patriarcat déclinant. L’éthologie d’une meute, nous apprend que les femelles sont dominées par les mâles. Dans la meute humaine, ils en ont toujours profité en abus très insolents., contrairement aux animaux de meute. Et les femmes qui refusent la soumission s’évertuent parfois à agir comme les hommes. Paradoxe d’une double soumission ? À vous de juger. Mais dans un système libertaire, chacun(e) est appelée à vivre et agir selon son génie propre, dans les cadres spontanés de ses groupes d’appartenance. Et les femmes n’en sont certes pas dépourvues. Au point que je crois, c’est encore une croyance, que les femmes seront des actrices de premier plan dans l’avènement des réseaux de cellules libertaires. Dois-je chantonner, en suite de Jean Ferrat inspiré par Aragon, La femme est l’avenir de l’Homme ?

L’éducation sera, bien évidemment, non point remaniée par des réformes, mais reprise dans sa nature. Là encore, des bornes jalonnent avec brio le chemin jusqu’à nous. Les expériences de pédagogies alternatives sont suivies, avec minutie, par plusieurs éducateurs. De Francisco Ferrer, libertaire et franc-maçon à Maria Montessori, à Ovide Decroly puis au grand Célestin Freinet… en passant par les « Libres enfants de Summerhill ». De multiples essais aujourd’hui de cette éducation qui est plus « nouvelle » comme on l’appelle mais renversante.
Apprendre aux enfants les fondements humains de l’anarchie : l’introspection, l’observation de la meute des humanimaux, le recul solitaire, la fraternité au fur et à mesure spontanée, les décisions en groupe, l’amour de la vie sous toutes ses formes… Développer cette forte citation de Mai 68, qui pourrait être celle des bonobos : « Faites l’amour pas la guerre ! » Aller plus loin. L’enjeu sera d’apprendre aux gosses à s’enraciner dans leur vécu inconscient et affleurant grégaire. Qu’ils ne prient plus en anthropocentristes, comme on le ferait en religion, en victime consentante et débordée par les « mystères », comme l’on dit. Avec, au nombre de ceux-là, le recul sur les directives de conduites morales qui, sans cesse nous conditionnent, comme je l’ai expliqué plus haut. Mais, le point capital d’une nouvelle éducation, en sus de l’apprentissage de l’anarchie citoyenne, touche à notre manière de raisonner et, par-là, d’appréhender le monde.

La Boulomie – Editions LOL

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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