ven 19 avril 2024 - 19:04

Mépris de classe

Article écrit en février 2020

J’étais en Loge hier soir, bien content d’avoir pu parler avec notre Frère Inspecteur. C’est toujours intéressant de pouvoir dialoguer avec un représentant de l’exécutif, qui peut expliquer des mesures de politique interne ou des décisions. Et il est toujours plaisant de ne pas se faire prendre de haut par des conseillers fédéraux ou des conseillers de l’ordre. C’est pour ce genre de choses que j’aime aller en Loge : être traité comme un être humain et non comme une vulgaire ressource, une machine ou un automate. Bref, être considéré comme un sujet et non un objet. Ca fait un bien fou. Vraiment.

Bien plus que des expériences désagréables que j’ai pu vivre dans les différents emplois que j’ai occupés, autant dans le public que dans le privé. Des expériences de mépris de classe, me faisant penser que patriciens et plébéiens n’ont jamais réellement disparu. Ainsi, il y a quelques années, j’ai été saisi pour fournir une étude technique assez rapidement à une personne. En fonctionnaire sérieux, j’ai mené l’étude et rendu le résultat à la personne. Fait étrange, la personne ne m’a pas remercié directement, mais a envoyé un mail de remerciement au chef de service. Etonnant, non ? Et pourtant je n’étais pas au bout de mes peines : j’ai été convoqué par mon chef de l’époque et me suis fait passer un savon pour avoir écrit directement à un membre du cabinet du directeur. Mon chef estimait que, je cite, je « n’avais pas le niveau » pour écrire à la personne. Dans le même ordre d’esprit, il m’a été reproché par ma hiérarchie d’avoir été présent à une réunion présidée par une directrice adjointe de je ne sais plus quoi (et d’avoir remplacé mon chef au pied levé). Pareil, une histoire de niveau, qui ne convenait pas, semble-t-il. En discutant avec des collègues et confrères, je me suis rendu compte que je n’étais pas seul à vivre ça. On m’a raconté une anecdote édifiante : dans un service, le personnel devait accueillir la nouvelle directrice. Après plusieurs rappels, la rencontre a bien eu lieu… mais avec les encadrants seulement. La plèbe (autrement dit, le reste du personnel) a été priée d’aller voir ailleurs. Ces braves gens sont restés entre eux. Dans le fond, notre société n’a pas changé depuis l’Empire Romain : il y a les dirigeants ou patriciens et la populace, le bas-peuple, la plèbe. Il semble que nos grands administrateurs, nos dirigeants et autres estimés timoniers se comportent en patriciens, et comme les romains, oublient qu’ils ne doivent leur puissance qu’à une servitude volontaire (et un consentement fabriqué) de cette plèbe qu’ils méprisent, mais qu’ils en viennent à craindre tant les sujets de mécontentement sont grands.

Etienne de la Boétie avait fort justement écrit dans son Discours sur la Servitude Volontaire que les grands ne nous apparaissaient grands que parce que nous étions à genoux. Car dans le fond, qu’est-ce qui différencie un de ces patriciens et un plébéien ? Dans le fond, pas grand-chose. Une simple situation. L’un est né dans la bonne famille, avec les bons réseaux et la bonne éducation, qui lui a permis d’accéder aux bonnes écoles. Et l’autre pas. Tout simplement.

Entrer en Loge m’a permis de comprendre que ces gens qui nous regardent de haut ne sont sur un piédestal que parce que je suis aussi à genoux. Le soir de mon initiation, le Vénérable m’a invité à me relever. C’est un grand pas que j’ai ainsi fait. Nous sommes tous humains, et rien ne peut justifier qu’une poignée rejette ainsi les autres, à part un consentement pas éclairé. Rien ne peut justifier que quelques technocrates ne prennent des décisions cruciales pouvant affecter la vie quotidienne de milliers de gens, que ce soit dans la sphère de l’emploi comme dans celle de la Cité. Rien. Et surtout pas un diplôme d’une quelconque institution, école ou usine à connards ou une nomination obtenue sans réel mérite. Je crains aussi que tous ces comptables, MBA et autres administrateurs n’aient oublié leurs cours de latin, avec le célèbre apologue des membres et de l’estomac, du romain Ménénius Agrippa (prononcé lors d’une insurrection de la plèbe) : le sénat et le peuple ne peuvent vivre forts que par la concorde, chacun ayant besoin de l’autre. C’est à cette occasion que les législateurs romains avaient créé des corps intermédiaires, d’ailleurs, que nos technocrates en tout genre tendent à écraser pour imposer leur autorité par la force, au nom d’un droit qu’ils auraient sur autrui.

« Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres» écrivait Diderot dans son Encyclopédie.

Ne nous laissons plus faire.
J’ai dit.

2 Commentaires

  1. dommage que tu puisses déraper sur la fin…je suis moi aussi professeur des écoles et en licence et master…j’ai enseigne le marketing , la communication et le management.j’entends que tu sois déçu des comportements d’une hiérarchie qui ne mérite pas son rang…mais tu ne peux pas pointer du doigt le contenu des matières et des efforts de nos enseignants professeurs et praticiens …le pouvoir se décline en cinq points, mais en entreprise deux sont appelés a être exercer… je te joins un lien : “https://www.youtube.com/watch?v=jwCj7uFY35U ” pour écouter l’ expose d’un frère….tu verras que les pouvoirs que sont la compétence et l’influence sont importants…j’ai apprécié quand tu métaphores l’idée d’être relevé, et c’est bien là, que notre solidarité et efforts envers notre prochain se mettent en place.mais tu n’auras aucune influence si l’autre ressent de la colère,de la frustration,de la revanche, du ressentiment…pour réussir ton élévation tu dois être “apaisé” et “serein” j’ai écrit un petit ouvrage qui s’intitule le carnet du manageur.si tu le souhaites en lecture électronique je te le donnerai…cela fait longtemps que les règles de pouvoirs, de management, et de la transmission pour des ouvertures de conscience……hante mes jours et mes nuits…
    “ainsi va la gloire du monde”… pauvre monde!

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Josselin
Josselin
Josselin Morand est ingénieur de formation et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en sciences physiques, disciplines auxquelles il a contribué par des publications académiques. Il est également pratiquant avancé d’arts martiaux. Après une reprise d’études en 2016-2017, il obtient le diplôme d’éthique d’une université parisienne. Dans la vie profane, il occupe une place de fonctionnaire dans une collectivité territoriale. Très impliqué dans les initiatives à vocations culturelle et sociale, il a participé à différentes actions (think tank, universités populaires) et contribué à différents médias maçonniques (Critica Masonica, Franc-maçonnerie Magazine). Enfin, il est l’auteur de deux essais : L’éthique en Franc-maçonnerie (Numérilivre-Editions des Bords de Seine) et Ethique et Athéisme - Construction d'une morale sans dieux (Editions Numérilivre).

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