sam 23 novembre 2024 - 09:11

L’horreur évangélique, reniée par la Voie maçonnique

J’entends d’ici les hurlements : « Ce titre est provocateur, sans aucun fondement, contraire à la Tradition » Et j’entends aussi tous les maçons qui dévorent les livres érudits sur les origines de la Franc-maçonnerie crier : « À l’imposteur ! depuis longtemps les historiens ont minutieusement détaillé toutes les origines testamentaires qui, prouvent, sans discussion, que la Maçonnerie est bien fille de la culture judéo-chrétienne inscrite dans ces livres sacrés ». J’ai bien entendu et je parie, mon Frère, ma Sœur que tu es probablement un de ces croyants. Même si notre Frère à la pensée si profonde Jean Mourgues a déclaré avec éclat : « La Franc-maçonnerie n’a pas d’histoire puisqu’elle est universelle ».

J’ajouterai, que dans sa lignée « libérative », celle de demain,la Voie maçonnique s’est échappée des emprises culturelles vieillottes des livres dits « saints » Lesquelles ont eu et ont toujours des conséquences effrayantes sur nos croyances . Certaines d’entre elles ne sont toujours pas mises en examen, depuis la naissance de cette religion. Pas meilleures que dans d autres religions, parfois pires cependant. Des croyances, des a priori, des préjugés mais si arrangeants pour la nébuleuse doctrinaire et autoritaire ont se repaissent les masses. Et si déculpabilisants pour les ombres atroces qui se baladent tout au fond de nous !
Il est temps que je m’explique sur mon blasphème. Et pour cela je vais recourir à deux de mes concepts-clés
1) la nature-culture et
2) l’amourhaine. (J. Lacan avait formulé le mot hainamour bien avant que je ne le réinvente). Et, à chaque fois, bien sûr, je me resserrerai sur notre Voie Maçonnique. Je dégagerai ainsi ses gènes libertaires qui devraient – c’est mon avis- nous inspirer dans un avenir proche.

  • La nature et la culture. Les hominidés, par prétention, entre mille autres, biblique, se croient le centre du monde et se nomment l’ « humanité » . De ce fait ils confondent depuis toujours ce qui chez eux, ressortit à la nature et ce qui dépend de la culture qui habille cette nature. Quelques philosophes depuis l’Antiquité avaient pressenti cette confusion. Elle devint une croyance centrale à l’époque classique et particulièrement au siècle des Lumières : Une bonne éducation, de la conscience, de la raison, de la bonne volonté…bref de la vertu et le tour est joué pensait-on alors. Les Francs-Maçons en particulier qui n’ont encore aujourd’hui, guère suivi l’évolution culturelle de l’humain s’accrochent toujours à cette conception qu’ils considèrent comme une évidence., la fameuse Tradition. En outre, ils repoussent (je me rappelle les réactions outrées quand, dans les conférences, j’évoquais Freud et ses successeurs !) la puissance considérable de l’inconscient. Il revient en force dans les études scientifiques et il serait grand temps d’en tenir compte. Résultat : des valeurs et des principes dépassés et , par conséquent, des interrogations, sur l’évolution de l’Ordre. La Franc-maçonnerie de demain, dans deux ou trois décennies aura disparu ou, grâce à son évolution culturelle, aura bien évolué sur le socle immuable des rites de passage.

Cette confusion entre ce qui ressortit à la nature et ce qui tient à la culture nous a fait croire et écrire des bêtises, à mon sens. C’est ainsi que le support de notre voie initiatique est d’abord la Bible, livre sacré de beaucoup d’entre nous. Ce livre qui nous enjoint de dominer sans vergogne la nature. Tu crois que c’est encore à l’ordre du jour ?  Des historiens se sont échinés à interpréter et à réinterpréter les moindres détails qui trouveraient leur origine dans ces pages qui, à d’autres titres, sont effectivement un beau témoignage dépassé d’une période  de l’humanité… que je trouve complètement dépassée.

Mais, en complément d’autres articles que j’écrirai sur les relations entre la chrétienté et la franc-maçonnerie, je vais centrer le propos sur un des problèmes majeurs, sinon  LE problème des hominidés : l’agressivité logée dans le complexe « amourhaine », une de nos spécificités animales. Il n’est pas une voie, religieuse, initiatique, occulte…qui ne propose, mezzo voce, sa vision de la chose innommable . On pourrait faire comme si cela n’existait pas mais « c’est » point ! Pas nécessaire d’ergoter..

Je vais me limiter à la comparaison entre les Évangiles et la Voie maçonnique. Comment chacune d’entre elles, traite-t-elle, dans sa culture, cet « amour-haine » naturel ?        Et je montrerai que dans cette comparaisons, à mon avis, les deux chemins religieux et initiatique sont radicalement différents. Quoiqu’en pensent les historiens patentés, aveuglés par leur propre culture chrétienne, même s’ils se déclarent athées. La cruauté chrétienne est annoncée dès les premières pages de la Bible quand Abraham, le père, s’apprête à sacrifier son fils Isaac. Roberto Assagioli appelle ce désir du père de tuer le fils, complètement inavouable, le « complexe de Chronos ». Ce dieu avait en effet la sale habitude de manger ses enfants. Alors comment les Évangiles s’en tirent-ils. Parce que tout livre « saint », toute légende initiatique est obligée de symboliser ce désir inavouable de meurtre du fils. Mais attention il coexiste naturellement avec l’amour du père pour le fils. Comme c’est compliqué ! nous sommes loin des dualismes faciles et réconfortants : c’est mal, c’est bien ! La tradition chrétienne, apparemment a donné un blanc  seing dans son démêloir de la pelote amourhaine .Allons plus loin et comparons la réponse évangélique et la réponse maçonnique. Quoiqu’en pensent les érudits patentés, tu vas voir comme elles s’opposent. Tu pourras ensuite choisir ton camp ou vivre les deux, si cela t’est possible tant ils sont contradictoires.

  • L’« amourhaine » selon les deux chemins

Commençons par la Voie maçonnique. La haine se déploie dans le meurtre perpétré par les trois « mauvais » compagnons . A priori ils vénèrent, s’ils n’aiment, Hiram Abi, Hiram le père que l’hagiographie maçonnique ne cesse de nous présenter comme un surhomme, modèle de vertu. Voilà pour l’amour. Mais ils sont dévorés comme beaucoup de mâles humains par ce que Daniel Béresniak appelait « la cratophilie », l’amour du pouvoir. Plus précisément le désir d’avoir plus que le voisin, à savoir les autres compagnons.  Les expériences, depuis 20 ans, montrent bien que l’humain est, en partie, mu par le désir d’avoir plus que son voisin avec lequel il se compare, sans bien s’en rendre compte. La jalousie, ce n’est pas beau, n’ est-ce pas ? Ses fondements naturels donc inévitables  ont désormais des preuves scientifiques mais je n’entre pas dans les détails sauf à préciser que, bien entendu, beaucoup prétendent qu’ils ne sont en aucune façon jaloux. Ce que démentent les actes des trois compagnons qui ont pour vocation, puisque nous sommes dans un mythe, d’être généralisables. En bref, ils tuent donc, non pas parce qu’ils détestent Hiram Abi, mais pour lui arracher un mot qui leur permettra d’avoir plus que les autres. Pas de ressort meurtrier au premier plan. C’est, je crois clair et simple.

C’est une toute autre histoire avec les Évangiles qui recèlent une des pires horreurs de l’histoire des hominidés. Le mélange amourhaine est d’une hypocrisie monstrueuse. Le silence fait autour du récit de la crucifixion est une véritable conspiration mondiale tacite En effet, après la description de la vie de Jésus, surtout dévolue au bien ; à l’amour donc, à l’exception près des marchands du temple, arrive la fin de l’Homme juste : Et là l’horreur est décrite minutieusement : Un florilège de tortures : le jugement, la flagellation, la couronne d’épines, la montée au calvaire et, l’abominable à hurler, la crucifixion de cet homme vivant. Raffinement des raffinements dans la cruauté : le sadisme à faire souffrir lentement, en déchirant les chairs.

Les plus curieux est que, dans notre société chrétienne, personne, à ma connaissance, ne semble s’être ému de cette abomination. Comme si cela, au fond, arrangeait et déculpabilisait chacun de la haine qu’il porte. Et personne ne dénonce l’entourloupe : si Jésus souffre atrocement dans ses chaires pantelantes et ruisselantes c’es par amour pour nous. En bref, allons-y, au nom de l’amour hypocrite, soyons cruels. On sait les conséquences d’une telle position  où l’amour est un vêtement de soie artificielle posée sur le désir noir de la cruauté. Tuer abominablement le fils pour préserver la « pureté » de ses blanches intentions. Merci Yahvé ! Blanc-seing au racisme.  Le XXème siècle fut un chef d’œuvre des fresques abominables de la geste humaine. Il ne s’agit pas simplement de se débarrasser de son voisin, de son esclave, d’un peuple, d’une ethnie par convoitise mais du désir de faire souffrir une ethnie. N’est-ce pas autorisé par cette croix où se tord de douleurs atroces un fils. Plus, cette crois qui est présente partout dans la chrétienté, dans les églises, dans les chambres, autour du cou… : le symbole suprême, celui de la torture qui nous exonère de notre sadisme et particulièrement de celui du père
Il est incroyable que cette évidence de la  jouissance sadique soit acceptée par les plus bigots et, généralement, par le peuple des bien-pensants, quasiment nous tous, et nos philosophes les plus incroyants, les premiers. Y trouvent-ils également leur jouissance intérieure ? Je le crois volontiers. Les Francs-maçons ne sont pas les derniers , en prêchant la tolérance des religions mais en occultant soigneusement l’horreur de la chair déchirée, au nom de l’amour, de Jésus. Jouissance enfouie, indicible et exposée à la vue de tous.

Cette combinaisons amour-haine, ce complexe de Chronos, atteint, avec le christianisme,  une ampleur moins hurlante dans maintes autres religions. C’est le cœur en paix, que nous condamnons ceux qui, aujourd’hui, ne font que reprendre, dans leur idéologie, la cruauté de la torture. Quelles que soient les arguties des bien-pensants du genre : ‘il faut lire la crucifixion différemment ; c’est une autre époque ; c’est par amour pour le père… » On oublie trop souvent que le torturé s’est écrié, « Mon père, mon père pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Ainsi pour la chrétienté et ses Évangiles, pour que la Terre tourne bien à l’aise dans  nos petites têtes, il suffit que le Père tue le fils. Juste l’inverse dans la Franc-maçonnerie : plus sage, elle proclame : ‘les fils tuent le père ». Les trois compagnons abattent en effet Hiram Abi, soit Hiram-le-père. Application naturelle et saine du complexe d’Œdipe. Voilà bien à mon sens, l’horreur de la crucifixion évangélique  et le génie de la Voie maçonnique en totale opposition dans le traitement de l’amourhaine.

Quelle morale personnelle ? Une des plus grandes forfaitures humaines est passée sous silence car elle assouvit nos désirs les plus noirs et naturels des pères. Les victimes mêmes (je songe aux juifs) n’y font guère allusion. La Voie maçonnique propose une autre lecture de l’amourhaine : Nous sommes tous  (surtout la plupart des mâles, selon moi) en proie au désir de tuer pour assouvir nos besoins d’avoir, de dominer, de paraître…. et nous l’admettons parfois en tenue. C’est paradoxalement un progrès sur l’ignorance, l’hypocrisie et le fanatisme.

La nature c’est l’amour-haine. La culture, c’est la cruauté . Sauvons la Franc-maçonnerie ! Revenons aux fondamentaux naturels et abandonnons notre morne complaisance à l’horrible,  très pieuse et déculpabilisante crucifixion..

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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