jeu 25 avril 2024 - 23:04

L’école, l’université? Tristes modèles pour nos tenues

Tu as aimé l’école, ou l’université ?
Alors profite de tes tenues
mais réfléchis

Je suis stupéfait quand je compare une tenue maçonnique à une classe française, celle que nous avons connue quand nous étions enfants. Tout ce qui s’est passé, lors de notre scolarité, dans notre enfance et, en partie, dans notre adolescence, nous a façonnés Ne pas s’étonner si une tenue reproduit plusieurs traits d’une salle de classe. Et que telle obédience propose une université et une académie maçonnique. Le moule est en airain !
Quand la tenue maçonnique est arrivée en France, elle a vite été transformée avec les caractéristiques de notre pays. Pour le meilleur et pour le pire. Il reste que ces modifications ont fait des rites de ce style français une véritable Voie initiatique Or ce n’est pas ce que je pense de la maçonnerie anglo-saxonne, gelée en 1813 , coincée dans le vieux texte fondateur et vieilli de James Anderson.
Pour le meilleur, nous avons ajouté le plateau de l’Orateur, la circumambulation, le tableau de loge, les planches…ce qui me fait dire que notre Voie est susceptible de survivre à l’effondrement socio-écologique annoncé par les scientifiques. Mais à condition de se réformer. 
Car elle traîne encore le pire : des pratiques et une méthode d’enseignement, oui je dis bien d’enseignement, complètement obsolètes. Mais comme nous avons été formatés à l’école, nous nous posons même pas la question de ce qu’elle a fait de nous. Du moins pour-la plupart d’entre nous qui ne sommes pas des réformateurs fougueux de la pédagogie de l’Éducation nationale. Mais c’est un autre sujet.
Remarquons quand même que l’enseignement, la pédagogie du temps jadis (L’instituteur sous la IIIème République, par exemple) fut une fierté de la France ; le modèle s’ancra si bien dans notre pays qu’on ne peut s’empêcher d’y souscrire toujours ! Et ces phares de l’humanité que nous, Maçons, prétendons être répètent inlassablement les mêmes schémas pédagogiques. Démonstration avec une tenue maçonnique de style français ;
Le « Connais-toi toi-même ». ? Il nous est de plus en plus recommandé. Fort bien . Alors commençons par ce qui nous a formés et, à partir de là, prenons du recul sur les méthodes d’éducation. Pourquoi ? Jeunes, nous ingurgitions sans, évidemment à cet âge, les remettre en cause. Le modèle devint la base de nombre de nos valeurs et le socle caché de plusieurs de nos comportements. Et, entre autre, dans notre fameuse «’transmission » maçonnique que nous chantons sur tous les toits ! Et qui se déroule, en bonne partie, selon le modèle de l’enseignement scolaire.
Prenons des exemples très concrets, loin de ces premières grandes déclarations. Ils s’observent dans 90% des loges de style français. (Elles peuvent être hors de France)

• Le maître, dans l’école, est juché sur l’estrade . Pourquoi ? Pour voir tous les élèves. Tiens donc : le Vénérable est lui aussi hissé sur une estrade mais on en rajoute : de trois marches., c’est encore plus fort. D’ailleurs le nombre 3 ne s’impose-t-il pas à nous tous ? Je veux bien le croire mais je sens qu’en fait c’est pour démontrer subrepticement qu’il est le détenteur de l’autorité. D’ailleurs on lui octroie le superlatif de « Vénérable » À ce propos, je me demande toujours ce que vient faire le Secrétaire à côté de lui, à l’Orient. Cela est une autre histoire., ; sans grand rapport avec la salle de classe. Continuons.

• Dans la cour de récréation, les surveillants veillent au bon ordre : pas de risques de bagarres, de dangers et de troubles de toutes sorte. Je ne fais pas un dessin. Or les « Guardians » de la tradition anglaise sont devenus, modèle français oblige, des « Surveillants ». On ne cache pas qu’une grande partie de leur rôle est effectivement de surveiller leur colonne . On ne bavarde pas en classe.

•Au bout d’une heure, il est réputé bon pour les gosses qu’ils se détendent. Ils vont alors en récréation. j’ai vécu, dans plusieurs loges, une « récréation » pour ordonner une suspension temporaire des travaux. Sans rire !

•Quand on est un bon élève, on est félicité. Eh bien, malgré des rectifications mille fois dites, nous entendons des Frères, des Sœurs « féliciter » celui ou celle qui vient de plancher. Avec cette sinistre confusion des Maçons qui affirment qu’on ne remercie pas en franc-maçonnerie. Alors que les travaux scientifiques (1998, psychologie positive) démontrent sans discussion le contraire :il faut sans cesse avoir de la gratitude : remercier ; cela fait du bien aux deux et concourt à la fraternité. Mais il ne faut pas, en tenue, féliciter, corriger, bref juger. Cela, en effet, instruit une relation inégalitaire, loin de nos valeurs

•Dans la salle de classe, quand un élève doit parler, pour réciter, par exemple, il va au tableau, sous les regards des élèves et du maître. Et chez nous ? Nous montons sur l’estrade de l’Orient et, dans beaucoup de cas, l’Orateur est délogé et nous prenons sa place. Comment sommes-nous si confus que nous osons virer l’Orateur qui représente la Loi, dans tous les sens du terme, pour le remplacer par un conférencier ? Le soin et le loi sont les deux piliers psychiques du jeune enfant. Comment, adulte, se passer de l’un ?

• Le Frère, la Sœur conférencière prend la parole. Le modèle universitaire s’impose subrepticement. Il s’agit de bien parler. Celui qui bafouille hésite est réputé de qualité médiocre. Alors qu’avons-nous choisi pour être sûr de très bien parler, sans blancs, sans trébucher, sans redites ? 
Simple :il suffit de lire un texte que l’on a préparé chez soi. Si possible, mais ce n’est pas hélas ! toujours le cas, en « y mettant le ton ». Tiens je croyais que nous ne savions ni lire, ni écrire. « Mais c’est pour les Apprentis » me rétorque-t-on. Ah bon ?

• Le modèle universitaire, celui qui est pseudo-savant, n’a pas fini de nous enchaîner. Il s’agit de paraître érudit, très au courant, de citer des auteurs. Bref faire une démonstration solide. À cette condition, on peut donner un avis personnel. C’est encore très répandu dans nos loges. À mon sens, l’avenir est ailleurs.

• Enfin, quand il s’agit d’aller dans la classe supérieure, il faut avoir prouvé que l’on est au niveau requis. Même chose chez nous avec les planches d’évaluation, en fin d’apprentissage, de compagnonnage pour passer Maître. Il faut prouver à la loge que l’on connait bien le rituel de son degré et que l’on sait répondre correctement aux questions

Au total huit caractéristiques communes entre la classe et la tenue.
Alors que faire ? Certains s’écrieront que c’est un usage et qu’il ne faut surtout pas le changer. D’ailleurs ne fonctionne-t-il pas très bien ? D’autres, et j’en fais partie, aimeraient bien se dégager de plusieurs de ces empreintes inconscientes et qui nous meuvent à notre insu. Pourquoi ? Parce qu’elles brident la vie et la qualité humaine de nos tenues. Voici quelques exemples que. je te soumets et qui me semblent préfigurer l’avenir mais je peux complètement me tromper. Je ne ferai pas ici de longs commentaires ; je liste simplement
Changer le titre de « Surveillant » et préférer « Gardiens ». Ne pas déloger l’Orateur.
Éviter les planches qui se prétendent savantes, et pesamment historiques. Ne pas féliciter mais remercier souvent. Plus de récréation. Ne pas lire un texte. Si nous voulons mieux nous connaître et nous aimer, soyons spontané. Dans un rite, le plancheur » parle entre les colonnes . C’est un progrès, à mes yeux, gigantesque qui préfigure l’avenir de la Voie.
Toutefois je garde l’estrade avec les trois marches, les planches de passage, le silence sur les colonnes qui me semblent avoir des racines profondes dans nos esprits
.Et surtout, je garde jalousement la triangulation de la parole , cette trouvaille extraordinaire de la Maçonnerie. Je n’en touche pas une miette. Tiens, je remarque que cette méthode, elle, ne vient pas de la scolarité mais du génie intuitif de nos anciens. Qu’ils en soit chaudement remerciés !

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Jacques Fontaine
Jacques Fontaine
Jacques Fontaine est né au Grand Orient de France en 1969.Il se consacre à diffuser, par ses conférences, par un séminaire, l’Atelier des Trois Maillets et par une trentaine d’ouvrages, une Franc-maçonnerie de style français qui devient de plus en plus, chaque jour, « une spiritualité pour agir ». Il s’appuie sur les récentes découvertes en psychologie pour caractériser la voie maçonnique et pour proposer les moyens concrets de sa mise en œuvre. Son message : "Salut à toi ! Tu pourrais bien prendre du plaisir à lire ces Cahiers maçonniques. Et aussi connaître quelques surprises. Notre quête, notre engagement seraient donc un voyage ? Et nous, qui portons le sac à dos, des bagagistes ? Mais il faut des bagagistes pour porter le trésor. Quel est-il ? Ici, je t’engage à aller plus loin, vers cette fabuleuse richesse. J’ai cette audace et cette admiration car je suis un ancien maintenant. Je me présente : c’est en 1969 que je fus initié dans la loge La Bonne Foi, à Saint Germain en Laye, au Rite Français. Je travaille aussi au Rite Opératif de Salomon. J’ai beaucoup voyagé et peu à peu me suis forgé une conviction : nous, Maçons latins, sommes en train d’accoucher d’une Voie maçonnique superbe : une spiritualité pour agir. Annoncée dès le début du XXème siècle. Elle est en train de se déployer et nous en sommes les acteurs plus ou moins conscients mais riches de loyauté.

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