Voila quelques années qu’à chaque fois que je prends la parole en Loge pour comparer maçonnerie et religion, je pose une question qui pourrait être interprétée comme provocatrice, alors qu’en réalité, elle est bien réelle. Je vous la soumets aujourd’hui : « Comment peut-on être à la fois Franc-maçon et Chrétien sans être schizophrène ? »
En 1888, dans « Le Crépuscule des idoles » Friedrich Nietzsche écrit la chose suivante : « En renonçant à la foi chrétienne, on se dépouille du droit à la morale chrétienne. Celle-ci ne va absolument pas de soi (…). Le christianisme est un système, une vision des choses totale et où tout se tient. Si l’on en soustrait un concept fondamental, la foi en Dieu, on brise également le tout du même coup : il ne vous reste plus rien qui ait de la nécessité. »
Je doute que le philosophe prusse ait été un jour Franc-maçon. Je vous confirme que pour ma part, je ne suis pas philosophe. Pourtant, nous nous rejoignons totalement sur ce constat. Travailler à la gloire de Dieu (ou en son nom pour certains autres), ne peut s’effectuer qu’avec la toile de fond de la foi du croyant. C’est là qu’une incohérence profonde apparaît !
Pour ce qui concerne la maçonnerie, son fondement indiscutable repose sur le doute, ou la quête de la gnose si vous préférez. Un Franc-maçon qui œuvrerait dans la foi d’une vérité révélée serait comme un chrétien qui admettrait le doute sur l’existence de son Dieu unique. Dans les deux cas c’est totalement incompatible.
A chaque fois que j’ai posé la question à un adepte de la fusion du dieu en tablier, il m’a répondu par des pirouettes du genre :
- « Je suis chrétien et voila 30 ans que je concilie parfaitement les deux »
- « Il ne faut pas prendre les choses au pied de la lettre, la foi peut être considérée comme une simple boussole »
- « Il suffit d’être dans la foi durant les offices religieux et s’ouvrir au doute durant les Tenues »
Vous vous souvenez de la réplique de Jean Gabin dans le film Le Président : « Y’a aussi des poissons volants mais qui ne constituent pas la majorité du genre. » Pour moi, le mélange des genres entre la foi et la quête de la gnose conduit tout simplement à une schizophrénie certaine. Je ne condamne, ni ne juge aucune voie spirituelle dans mon propos. Il s’agit uniquement d’incompatibilité entre deux voies d’élévation. Je connais des derviches tourneurs qui tournent et des méditants bouddhistes qui méditent immobiles. Les deux voies peuvent conduire au même sommet. Mais si vous demandez à Mathieu Ricard de commencer à faire des rotations physiques durant ses méditations vous risquez de perturber le pauvre homme jusqu’à le rendre fou.
S’adapter à un système dysfonctionnant ou contre nature ne le rend pas normal par la quantité de pratiquants. Vous conviendrez avec moi qu’à l’époque ou l’église nous faisait croire que la terre était plate, cela n’a pas influencé d’un millimètre la circonférence de notre planète. Il en est de même avec cet assemblage surprenant de la foi et de la quête de la gnose. Ce n’est pas parce que de nombreuses Loges le pratiquent que cela devient pour autant logique ou efficace.
Certains vont sauter sur l’occasion pour me vendre leur laïcité qui lave plus blanc que blanc. Je vous préviens tout de suite, j’ai encore plus de mal à comprendre ceux qui viennent en Loge pratiquer un Rituel maçonnique pour glorifier la laïcité. Cela revient en quelques sortes à organiser un méchoui pour les végans !!! C’est tout aussi incompatible.
Soit on pratique un Rituel car on reconnait la force du non visible, soit on est purement rationnel et on zappe de ses tenues tous ces pitreries à commencer par l’initiation qui entre-nous soit dit, n’a rien de très cartésien.
En résumé, il me semble que la maçonnerie initiatique est une voie de spiritualité dont le moteur est la recherche de la vérité. Parmi tous ses pratiquants, certains sont arrivés avec leurs bagages chrétiens et d’autres avec leurs valises anticléricales. Tout cela porte le même nom : maçonnerie et nous sommes censés être tous Frères. Je vous avoue qu’avec un tel constat on peut comprendre qu’il y ait parfois des querelles entre frangins.
Ah à propos, avant la bagarre, si parmi vous, quelqu’un peut répondre à ma question du début, j’en serai heureux. Merci d’avance.
Franck Fouqueray
oula la heureusement je mettrai un 4 sur20 niveau reflexion bon nietzsch n a pas besoin de toi je pense bizzz
Dis-moi Franck, je ne vois pas en quoi la laïcité est en opposition avec la spiritualité. Elle est au contraire une “attitude” qui admet et, si besoin, défend toutes les démarches spirituelles du moment que celles-ci n’attentent pas à la dignité de l’HOmme. Je vais même plus loin : je n’imagine pas un parcours spirituel qui ne soit pas laïc. Puisqu’il s’agit de la plus grande expression social de la tolérance.
Mais attention, les cléricaux réussissent actuellement à faire glisser le sens de “laicité” comme un synonyme d’athéisme. Et je ne manque jamais de le relever quand un interlocuteur cède à cette mode.
On en reparlera.
Pour ma part et pour faire court, je suis déiste et panthéiste : je crois qu’on appelle cela pandéiste. C’est-à-dire que je pense que Dieu est créateur et création. Mais je ne crois pas que Dieu soit le vieux monsieur barbu que Michel-Ange a peint sur une des fresques ornant le plafond de la chapelle Sixtine et qui s’appelle « La Création D’Adam ». Ça c’est peut-être un problème humain : vouloir tout imager pour se faire croire qu’on a compris…
Sachant qu’aussi singulier que cela puisse paraître, la vérité est peut-être plurielle : je ne peux donc pas prouver cela, d’ailleurs serait-il raisonnable d’essayer, mais personne ne peut non plus démontrer le contraire. Il n’y a donc, à mon avis, aucune incohérence, aucune antinomie avec ma quête de la Gnose.
« Carpe diem quam minimum credula postero » mais cela n’empêche pas de réfléchir et de se poser des questions… La parole circule !